Méditation avec Le Traité de l'Amour de Dieu de St François de Sales
11 avril
LIVRE SECOND
HISTOIRE DE LA GENERATION ET NAISSANCE CÉLESTE DU DIVIN AMOUR.
CHAPITRE PREMIER
Que les perfections diverses ne sont qu'une seule, mais infinie perfection.
Nous disons, quand le soleil à son lever est rouge, et que tôt après il devient noir, ou creux et enfoncé, ou bien quand, à son coucher il est blafard, pâle, hâve, que c'est signe de pluie. Théotime, le soleil n'est ni rouge, ni noir, ni pâle, ni gris, ni vert. Ce grand luminaire n'est point sujet à ces vicissitudes et changements de couleur, n'ayant pour toute couleur que sa très claire et perpétuelle lumière, laquelle, si ce n'est par miracle, est invariable ; mais nous parlons de la sorte, parce qu'il nous semble être tel, selon la variété des vapeurs qui sont entre lui et nos yeux, lesquelles le font paraître de diverses façons.
Or, nous devisons ainsi de Dieu, non tant selon ce qu'il est en lui-même, comme selon ses oeuvres par l'entremise desquelles nous le contemplons ; car sur nos diverses considérations nous le nommons différemment, comme s'il avait une grande multitude de différentes excellences et perfections.
Si nous le regardons en tant qu'il punit les méchants, nous le nommons juste; en tant qu'il délivre le pécheur de sa misère, nous le prêchons Miséricordieux ; en tant qu'il a créé toutes choses et fait plusieurs miracles, nous l'appelons tout-puissant; en tant qu'il pratique exactement ses promesses, nous le publions véritable; en tant qu'il fait toutes choses en si bel ordre, nous l'appelons tout sage, et ainsi consécutivement, selon la variété de ses oeuvres, nous lui attribuons une grande diversité de perfections.
Mais cependant en Dieu il n'y a ni variété, ni différence quelconque de perfections; ainsi il est lui-même une très seule, très simple et très uniquement unique perfection; car tout ce qui est en lui, n'est que lui-même, et toutes les excellences que nous disons être en lui en une si grande diversité, elles y sont en une très simple et très pure unité, et comme le soleil n'a aucune de toutes les couleurs que nous lui attribuons, ains une seule très claire lumière qui est par-dessus toutes couleurs, et qui rend visiblement colorées toutes les couleurs ; aussi en Dieu il n'y a aucune des perfections que nous imaginons, ains une seule très pure excellence, qui est au-dessus de toute perfection, et qui donne la perfection à tout ce qui est parfait.
Or, de nommer parfaitement cette suprême excellence, laquelle en sa très singulière unité comprend, ains surmonte toutes excellences cela n'est pas au pouvoir de la créature, ni humaine, ni angélique; car, comme il est dit en l'Apocalypse, notre Seigneur a un nom que personne ne sait que lui-même; parce que lui seul connaissant, parfaitement son infinie perfection, lui seul aussi la peut exprimer par un nom proportionné, dont les anciens ont dit, que nul n'était vrai théologien que Dieu, d'autant que nul ne peut connaître totalement la grandeur infinie de la perfection divine, ni par conséquent la représenter par paroles, sinon lui-même, et pour cela Dieu répondant par l'ange au père de Samson, qui lui demandait son nom :
Pourquoi demandes-tu mon nom, dit-il, qui est admirable ? comme s'il voulait dire : Mon nom peut être admiré, mais non pas prononcé par les créatures ; il doit être adoré, mais il ne peut être compris que par moi, qui seul sais proférer le propre nom par lequel au vrai et naïvement j'exprime mon excellence. Notre esprit est trop faible pour former une pensée qui puisse représenter une excellence tant immense, laquelle comprend en sa très simple et très unique perfection, distinctement et parfaitement, toutes autres perfections en une façon infiniment, excellente et éminente que notre esprit ne peut penser.
Nous sommes forcés, pour parler aucunement de Dieu, d'user d'une grande quantité de noms, disant qu'il est bon, sage, tout-puissant, vrai, juste, saint, infini, immortel, invisible ; et certes nous parlons véritablement, Dieu est tout cela ensemble, parce qu'il est plus que tout cela, c'est-à-dire, il l'est en une sorte si pure, si excellente et si relevée, qu'en une très simple perfection il a la vertu, force et excellence de toute perfection.