Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales
29 septembre
CHAPITRE I
DE LA NÉCESSITÉ DE LORAISON
9. S'il advenait que toute votre matinée se passât sans cet exercice sacré de loraison mentale, ou pour la multiplicité des affaires, ou pour quelque autre cause (ce que vous devez procurer nadvenir point, tant qu'il vous sera possible), tâchez de réparer ce défaut l'après-dînée, en quelque heure la plus éloignée du repas, parce que ce faisant sur icelui, et avant que la digestion soit fort acheminée, il vous arriverait beaucoup d'assoupissement, et votre santé en serait intéressée. Que si en toute la journée vous ne pouvez la faire, il faut réparer cette perte, multipliant les oraisons jaculatoires, et par la lecture de quelque livre de dévotion avec quelque pénitence qui empêche la suite de ce défaut et, avec cela, faites une forte résolution de vous remettre en train le jour suivant.
CHAPITRE II
BRIÈVE MÉTHODE POUR LA MÉDITATION ET PREMIÈREMENT DE LA PRÉSENCE DE DIEU PREMIER POINT DE LA PRÉPARATION
Mais vous ne savez peut-être pas, Philothée, comme il faut faire l'oraison mentale; car c'est une chose laquelle, par malheur, peu de gens savent en notre âge. Cest pourquoi je vous présente une simple et brève méthode pour cela, en attendant que, par la lecture de plusieurs beaux livres qui ont été composés sur ce sujet, et surtout par l'usage, vous en puissiez être plus amplement instruite. Je vous marque premièrement la préparation, laquelle consiste en deux points, dont le premier est de se mettre en la présence de Dieu, et le second, d'invoquer son assistance. Or, pour vous mettre en la présence de Dieu, je vous propose quatre principaux moyens, desquels vous vous pourrez servir à ce commencement.
Le premier gît en une vive et attentive appréhension de la toute présence de Dieu, c'est-à-dire que Dieu est en tout et partout, et qu'il n'y a lieu ni chose en ce monde où il ne soit d'une très véritable présence; de sorte que, comme les oiseaux, où qu'ils volent, rencontrent toujours l'air, ainsi, où que nous allions, où que nous soyons, nous trouvons Dieu présent.
Chacun sait cette vérité, mais chacun n'est pas attentif à l'appréhender. Les aveugles ne voyant pas un prince qui leur est présent, ne laissent pas de se tenir en respect s'ils sont avertis de sa présence; mais la vérité est que d'autant qu'ils ne le voient pas, ils s'oublient aisément quil s'oit présent, et s'en étant oubliés, ils perdent encore plus aisément le respect et la révérence.
Hélas, Philothée, nous ne voyons pas Dieu qui nous est présent; et, bien que la foi nous avertisse de sa présence, si est-ce que ne le voyant pas de nos yeux, nous nous en oublions bien souvent, et nous comportons comme si Dieu était bien loin de nous; car encore que nous sachions bien qu'il est présent à toutes choses, si est-ce que n'y pensant point, c'est tout autant comme si nous ne le savions pas.
C'est pourquoi toujours, avant l'oraison, il faut provoquer notre âme à une attentive pensée et considération de David, quand il s'écriait : « Si je monte au ciel, o mon Dieu, vous y êtes; si je descends aux enfers, vous y êtes » ; et ainsi nous devons user des paroles de Jacob, lequel ayant vu l'échelle sacrée : «Qh ! que ce lieu, dit-il, est redoutable! Vraiment Dieu est ici, et je n'en savais rien ». ii veut dire qu'il n'y pensait pas; car au reste il ne pouvait ignorer que Dieu ne fût en tout et partout. Venant donc à la prière, il vous faut dire de tout votre coeur et à votre coeur: « O mon coeur, mon coeur, Dieu est vraiment ici. »