Méditation Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu du Dr H-M Boudon
6 septembre
CHAPITRE XIV
La doctrine de la croix est un mystère caché
Il est vrai que la parole de la croix est un mystère que Dieu ne révèle qu'à ses saints, à qui il veut faire connaître les richesses de la gloire de ce secret. Cette sagesse de l'Évangile n'est point entendue par les sages du siècle, elle est même bien peu comprise par la plupart de ceux qui font profession de la dévotion.
Jamais les mondains n'y comprendront rien, quelque lecture qu'ils fassent, quelque sermon qu'ils entendent, leur esprit n'y a aucune entrée. Les superbes et les suffisants ne l'entendront jamais : elle sera toujours une parole cachée à la prudence humaine : les amateurs d'eux-mêmes l'ignoreront toujours ; ceux qui se recherchent ne la trouveront pas : le seul esprit de mort et d'anéantissement rend l'âme disposée à l'intelligence que Notre-Seigneur en donne.
Il y en a donc qui n'en goutent pas la science, parce que ce sont des gens délicats qui aiment leurs aises, qui travaillent à donner de la satisfaction à leur esprit et à leur corps : gens curieux d'honneur et avides de gloire, qui mettent leur joie dans l'applaudissement des hommes, qui désirent leur estime, qui aiment à être aimés : gens qui craignent les créatures, très timides dans les contradictions qui leur en peuvent arriver, qui n'ont pas le courage de leur résister, et d'en souffrir des rebuts.
Tous ces gens disent que la parole de la croix est bien dure, et qu'il n'y a pas moyen de l'entendre, ils ont peur même des personnes crucifiées, ils n'oseraient les fréquenter, de crainte d'entrer en la participation de leurs croix, à peine oseraient-ils dire qu'ils les connaissent, et (s'il est nécessaire) pour conserver leur amour-propre dans un besoin, ils les désavoueront et les renieront. Les voies de la croix les font trembler, et ils souffrent à la seule pensée ou aux seuls entretiens des souffrances.
Il y en a d'autres peu intelligents dans la doctrine du mystère de la croix, parce que ce sont des politiques qui veulent accommoder le monde avec Dieu, et l'Évangile avec les sentiments de la nature : ils voudraient bien que Dieu fût servi, à condition que ce serait à leur mode.
Ils s'efforcent de plaire à Dieu et de plaire aux hommes, ne prenant pas garde que personne ne peut servir à deux maitres, et ne se souvenant pas de ce que dit l'Apôtre, que s'il plaisait aux hommes, il ne serait pas serviteur de Jésus-Christ (Galat. I, 10) ; et de ce que nous dit encore l'Écriture, que l'amitié de ce monde est ennemie de Dieu (Jac. IV,4) : ces personnes sous prétexte de paix quittent la plupart des uvres de Dieu, à raison de la contradiction qui leur en arrive. Le bruit des hommes jette la frayeur dans l'esprit, elles ont peur des persécutions, les menaces les intimident, et c'est une pitié extrême de les voir manquer aux plus grands desseins de Notre-Seigneur, par leur peu de courage et de confiance en Dieu seul.
Oh ! Combien il est rare de voir des hommes apostoliques qui n'envisagent que Dieu seul, ne se souciant d'aucune autre chose !Hommes divins, qui dans l'amour de la pauvreté font mépris de tous les biens du monde comme de la fange et de l'ordure, ainsi n'ont point de peur qu'on les leur ôte, et ne craignent pas d'en manquer : hommes sans ambition, qui ne désirant ni bénéfices, ni charges, ni dignités, n'en redoutent pas la privation, ni n'en recherchent pas l'éclat : hommes parfaitement désintéressés, qui ayant en horreur leur propre établissement, n'ambitionnent que le seul établissement de Dieu seul : hommes qui dans une entière haine d'eux-mêmes et de tout ce qui les regarde, n'y poursuivent ni leurs aises, ni l'estime, ni l'amitié des créatures, étant ravis d'être crucifiés par leurs haines, leurs mépris , leurs rebuts, leurs injures, leurs calomnies, et toutes les peines qu'ils en peuvent souffrir : hommes disposés à tout souffrir et endurer pour la gloire de leur maître, et prisons et cachots et gibets et roues et feux, ne se souciant que d'une seule chose, qui est Jésus seul : hommes qui mettent le comble de leur joie et de leur gloire dans les dernières ignominies pour Jésus-Christ, et qui ne sont attachés qu'à la pureté de ses maximes.
Ces hommes font de grandes choses pour la gloire de Dieu, et il s'en sert pour accomplir ses plus grands desseins dans son Église : mais ce n'est pas sans d'étranges oppositions du coté des hommes et des démons.